Un processus d’évaluation spécifique aux projets de maisons d’hébergement est réclamé
MONTRÉAL — Des regroupements de maisons dédiées aux femmes victimes de violence conjugale interpellent le premier ministre François Legault afin que le gouvernement crée un programme de financement spécifique pour le développement immobilier de maisons d’hébergement, plaidant que le programme actuel empêche certains projets de se concrétiser.
L’Alliance des maisons d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (Alliance MH2), le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes se sont unis mercredi à Montréal pour réclamer un changement dans la façon dont les projets immobiliers de maisons d’hébergement sont financés.
Ils ont expliqué qu’actuellement, la Société d’habitation du Québec (SHQ) évalue les projets de maisons d’hébergement pour femmes en utilisant les mêmes critères que les projets de logements sociaux, ce qui, à leur avis, est inadéquat.
Selon la coordonnatrice générale de l’Alliance MH2, Maud Pontel, cette façon de faire est «illogique et incompréhensible», puisque les projets de maisons d’hébergement ont besoin d’installations qui leur sont propres, ce qui a un impact sur le coût des projets.
«Il faut des salles d’intervention, il faut des bureaux pour les intervenantes, il faut une salle communautaire pour faire des activités de groupe, il faut une petite garderie pour pouvoir s’occuper des enfants, il faut une salle pour les adolescents… Bref, ça nécessite plusieurs endroits où il va y avoir de l’intervention», a rappelé Mme Pontel.
«Et ça, c’est considéré comme du non résidentiel. Donc quand les personnes à la SHQ regardent nos projets, ils vont nous dire: « Ça coûte beaucoup trop cher ».»
Mme Pontel a déploré que l’on demande alors aux projets de couper dans le «superflu» pour réduire la facture totale, alors que ces éléments, qui pourraient être considérés comme «superflus» dans un immeuble à logements régulier, sont essentiels dans une maison d’hébergement.
«On se fait dire qu’on a des corridors qui sont trop larges, mais on accueille des femmes et des enfants qui ont des limitations fonctionnelles. On va avoir besoin d’espace d’intervention pour que les femmes puissent rencontrer des intervenants, parfois des policiers, donc où est-ce qu’on va couper?» a-t-elle dénoncé.
«Comparer du logement social avec 40 unités versus une maison d’hébergement avec, disons, 14 unités et des espaces d’intervention, ce sont des choses complètement différentes, donc on n’est pas du tout dans le bon programme.»
Projets à l’arrêt
Les trois regroupements ont rapporté qu’en raison des contraintes actuelles, de nombreux projets sont à l’arrêt, dont deux en Abitibi-Témiscamingue, deux à Montréal, un à Québec et un à Thetford Mines. Certains autres seraient aussi menacés dans les Laurentides, selon leurs dires.
Mme Pontel a soulevé que les problèmes liés au cadre d’évaluation des projets font en sorte que du financement qui aurait pu être dédié à la construction de maisons d’hébergement risque d’être laissé sur la table.
«On a le fédéral qui nous a octroyé des fonds, mais c’est sûr que si les projets ne sortent pas dans les prochaines années, on va les comprendre de retirer leurs billes», a-t-elle mentionné.
«On a des fondations qui ont dit: « Écoutez, nous, on ne peut pas continuer à soutenir votre projet, parce qu’on ne le voit pas aboutir ». Donc on a des maisons d’hébergement qui étaient soutenues par des fondations qui ne le sont plus à l’heure actuelle.»
Les trois associations ont estimé qu’il est temps que les projets immobiliers de maisons d’hébergement soient évalués en fonction de critères qui leur sont propres et elles ont demandé au gouvernement Legault d’agir rapidement pour corriger le tir.
«En 2021, quand on était en plein dans la vague de féminicides, durant la pandémie, le premier ministre avait vraiment mobilisé son monde. Nous, tout ce qu’on demande, c’est que ce qui a été annoncé en 2021 soit finalisé en 2024, c’est tout ce qu’on demande», a lancé Mme Pontel.
Appelé à réagir, le cabinet de la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a reconnu que «les maisons d’hébergement de première et de deuxième étape jouent un rôle primordial pour protéger et accompagner les femmes vulnérables».
«Nous sommes conscients que les besoins sont grands. En collaboration avec la SHQ, nous soutenons les organismes pour que le développement des projets soit plus agile et plus efficace, notamment pour optimiser les coûts et assurer le succès des projets», a-t-on souligné par écrit.