Agressions sexuelles: André Boisclair passera les deux prochaines années en prison
MONTRÉAL — Menottes aux poignets avec un petit sac d’effets personnels, André Boisclair a quitté la Cour par la petite porte, celle réservée aux criminels, lundi, après avoir été condamné à passer les deux prochaines années derrière les barreaux.
Le juge Pierre Labelle s’est ainsi rendu à la suggestion commune de deux ans moins un jour de bagne faite par la défense et la Couronne, le 20 juin dernier. Le juge ne s’est toutefois pas contenté d’entériner la suggestion commune, mais a pris soin de procéder lui-même à une analyse qui l’a conduit aux mêmes conclusions.
L’ex-chef du Parti québécois a plaidé coupable, le 20 juin dernier, à une accusation d’agression sexuelle avec l’aide d’un tiers envers une première victime et une autre d’agression sexuelle à l’endroit d’une deuxième victime. Les crimes ont été commis en 2014 dans le premier cas et en 2015 dans le second.Un autre chef d’agression sexuelle armée dans le premier dossier a été abandonné.
Des gestes «hautement répréhensibles»
«Les gestes posés par le délinquant sont hautement répréhensibles. S’attaquer ainsi à des personnes blesse le plus profond de leur intégrité et de leur dignité», a déclaré le magistrat en rendant sentence. Bien que les crimes commis par l’ex-politicien ne soient pas «un abus de confiance tel que défini au Code criminel», le juge Labelle n’en croit pas moins que l’impact de ses gestes à leur endroit «amène le tribunal à considérer en premier lieu le facteur de dénonciation et de dissuasion».
«Ça envoie le message que ce sont des gestes graves et qui sont punis à la hauteur de leur gravité», a renchéri le procureur de la Couronne, Me Jérôme Laflamme, au sortir de l’audience.
Les deux victimes, dont l’identité est protégée par un interdit de publication, ont livré des témoignages émouvants, le 20 juin, au palais de justice de Montréal, à la suite du plaidoyer de culpabilité de M. Boisclair. Dans les deux cas, il s’agissait de jeunes hommes qui vouaient tous deux un grand respect, voire une admiration, à l’ex-chef péquiste et ancien ministre, aujourd’hui âgé de 56 ans.
Facteurs atténuants
Certes, a dit le juge, il y avait plusieurs facteurs atténuants au dossier de M. Boisclair, notamment son absence d’antécédents judiciaires et, au premier chef, le fait qu’il ait plaidé coupable, «un début de réhabilitation», a-t-il précisé.
«Il nous a évité la tenue de deux procès, a évité à deux plaignants d’avoir à témoigner, donc c’était un facteur atténuant important», a acquiescé Me Laflamme.
Parmi les autres facteurs atténuants, le juge a noté, comme le lui avaient signalé les deux parties, la thérapie pour cesser la consommation de stupéfiants, le suivi psychologique, le soutien de son entourage.
«Ceci indique qu’il n’est pas isolé et que des gens seront là pour l’aider pendant se réinsertion après la détention. Cela diminue d’autant les risques de récidive et de rechute», a reconnu Pierre Labelle.
«Monsieur Boisclair a toujours été un actif pour la société», a-t-il ajouté, rappelant que «la réhabilitation demeure encore et toujours un objectif important de la détermination de la peine».
Conséquences «lourdes et difficiles» pour les victimes
Malgré tout, les facteurs aggravants ont pesé lourd, à commencer par le fait qu’il y a eu deux agressions, a d’abord invoqué le juge.
Mais il a surtout insisté sur les «lourdes et difficiles conséquences pour les victimes».
«Malheureusement, il n’y a rien que je puisse dire dans cette décision qui pourrait changer quoi que ce soit ou apaiser leurs souffrances. Je leur souhaite que celles-ci diminuent et qu’elles puissent croiser dans le futur des personnes bienveillantes.
«Il est bien évident que le passé ne peut être effacé ou modifié», a-t-il laissé tomber..
Pour ces raisons, «bien qu’il y ait plusieurs facteurs atténuants, ceux-ci ne peuvent diminuer l’importance des principes de dénonciation et de dissuasion au point où la peine serait autre que celle proposée», a conclu le juge en envoyant André Boisclair au bagne.
La médiatisation est un facteur neutre
Quant à la forte médiatisation du dossier, que l’avocat de M. Boisclair, Me Michel Massicotte, avait invoquée lors de sa présentation, le juge Labelle a eu ce commentaire qui risque d’être évoqué à nouveau dans l’avenir: «La couverture médiatique est un facteur neutre. (…) M. Boisclair est connu puisqu’il a occupé des nombreux postes prestigieux. Il est une personnalité publique. Cela vient avec de grandes responsabilités et aussi son lot d’inconvénients.»
Me Massicotte n’a pas voulu faire de commentaires à la sortie du tribunal.
La suggestion commune des parties endossée par le juge se détaille ainsi:une condamnation à 18 mois d’emprisonnement pour l’agression sexuelle commise avec l’aide de tiers sur la première victime et de six mois moins un jour pour l’agression sexuelle contre la deuxième.
Cette peine est assortie d’une probation de deux ans, d’une interdiction de contact avec les deux victimes, d’une interdiction de posséder et de consommer toute drogue, incluant du cannabis, ainsi que d’une obligation de se soumettre à un prélèvement d’ADN.
André Boisclair sera de plus inscrit au registre des délinquants sexuels, et ce, à perpétuité.