Jean Lapointe, un «Grand» s’est éteint, témoignent ceux qui l’ont côtoyé
MONTRÉAL — Le décès de Jean Lapointe laisse un vide dans le cœur de nombreuses personnes qui l’ont côtoyé. Le chanteur, comédien et ex-sénateur s’est éteint vendredi à l’âge de 86 ans.
Dans les dernières décennies, il s’est impliqué au sein de la Fondation Jean Lapointe, qu’il a fondée il y a 40 ans. C’est d’ailleurs l’organisme qui a annoncé son décès.
Sa fille, directrice générale de la Maison Jean Lapointe, qui vient en aide aux personnes aux prises avec des problèmes liés à la consommation d’alcool, d’autres substances et des jeux de hasard et d’argent, rappelle que sa plus grande fierté a toujours été la Maison Jean Lapointe.
«Son départ nous attriste, mais nous savons qu’il demeurera l’âme de notre établissement», indique Anne Elizabeth Lapointe, dans un communiqué.
Son fils, Jean-Marie Lapointe, lui aussi comédien, souligne que «perdre notre père est une terrible épreuve, mais de savoir que son héritage artistique et humaniste restera vivant dans le cœur des Québécoises et Québécois est réconfortant pour nous».
Son agente, Ginette Achim, dit vivre un «mauvais rêve» quelques heures après l’annonce du décès de son ami Jean Lapointe. Mme Achim avait parlé à son épouse, Mercédès Vincent-Lapointe, la veille au soir et ne s’attendait pas à cette nouvelle.
«C’est un choc, dit-elle en entrevue avec La Presse Canadienne. On sait qu’on va tous partir un jour et, quand quelqu’un est malade, on se dit que peut-être le risque est plus grand. Quand ce sont des gens qu’on aime tellement, c’est une surprise, on ne veut pas les perdre.»
Celle qui le connaissait depuis une vingtaine d’années n’hésite pas à parler d’un «Grand, avec un G majuscule».
«C’est un homme qui était d’une grande intégrité, d’une humilité… Tout le talent qu’il avait, tout ce qu’il pouvait représenter… Il n’a jamais pris pour lui un égard particulier, se souvient-elle. Il faisait ce qu’il avait à faire, il partageait avec les gens.»
Au-delà de «l’être exceptionnel avec ses défauts et ses qualités», Mme Achim retient tous ses talents. M. Lapointe savait chanter, danser, jouer, rappelle-t-elle. «Mais quel acteur ! Il incarnait tellement bien ses personnages, (…) la vérité était à l’écran.»
L’une des dernières apparitions publiques de M. Lapointe était lors du 40e anniversaire de la Maison et de la Fondation Jean Lapointe, le 5 octobre dernier. À cette occasion, le comédien Benoît Brière avait lu l’extrait de la chanson «Pleurires».
«“Pleurires”, c’est l’histoire de ma vie, de ses hauts et ses bas. C’est surtout, à mon humble avis, une histoire d’espoir où on comprend la vraie définition du vieil adage “C’est en donnant qu’on reçoit”», avait souligné Jean Lapointe à cette occasion.
Benoît Brière, qui est actuellement en tournage, «l’aime d’amour», rappelle Mme Achim. Comme beaucoup de Québécois. «C’est une grande perte pour les Québécois, parce que je pense que les gens ont senti de lui l’accessibilité, l’humilité, le “je tombe, je me relève”», souligne-t-elle.
Le rire
L’autobiographie de Jean Lapointe, dont une réédition augmentée est parue en octobre, s’intitule «Pleurires», comme la chanson. Son rire a d’ailleurs marqué son entourage.
«Je vais m’ennuyer, on se parlait quand même assez souvent et il était drôle, se souvient Mme Achim. Juste de l’entendre rire, c’était mon grand bonheur.»
La comédienne Sophie Clément, qui partageait avec lui l’affiche du film «L’eau chaude, l’eau frette» en 1976, se souvient avoir eu un des fous rires les plus extraordinaires de sa vie avec M. Lapointe lors du tournage de ce film d’André Forcier.
«Je veux offrir mes condoléances à tous les gens qui l’aimaient. J’ai adoré travaillé avec lui, c’est un homme absolument charmant», dit Mme Clément, qui ne l’a cependant pas revu après ce film.
L’acteur Jean-Pierre Bergeron, qui a également partagé le plateau de «L’eau chaude, l’eau frette» avec M. Lapointe, se souvient qu’il «était un de nos plus grands artistes. C’est quelqu’un que j’admirais beaucoup, déjà très jeune, car c’était un acteur très vrai.»
Les humoristes ont été nombreux à souligner le talent de M. Lapointe, vendredi.
«C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de mon ami Jean Lapointe aujourd’hui. Jean était un homme d’exception. Auteur, compositeur, interprète, humoriste et comédien, il a comblé le cœur des Québécois tant sur scène, à la télévision qu’au grand écran», écrit sur Facebook François Léveillée.
L’humoriste s’est rappelé que M. Lapointe lui avait offert la première partie de son spectacle et que, chaque soir, il s’installait dans la salle et prenait des notes pour lui donner des conseils.
«Jean Lapointe était un homme de cœur, un grand humoriste de mon enfance, mais aussi et surtout l’un des plus grands acteurs dramatiques des dernières décennies (Duplessis, Les Ordres, etc.) Mes pensées à Jean-Marie et à la famille. Salut mon Jean !», rapporte l’humoriste Guy Nantel sur les réseaux sociaux.
L’humoriste Dany Turcotte souligne quant à lui que «avec son authenticité, Jean Lapointe s’est taillé une place dans le cœur des Québécois, bien peu peu de gens ont cet honneur ! RIP Jean.»
Son rire avait d’ailleurs traversé l’Atlantique. Sous les encouragements de son ami franco-belge Raymond Devos, M. Lapointe présenta son spectacle «Lapointe porte à rire» à l’Olympia, en 1985.
«Jean Lapointe avait le don de faire rire et de faire réfléchir. J’ai eu la chance de connaître cet homme généreux à travers la grande amitié que mon père et lui ont entretenue leur vie durant», écrit sur Twitter le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, qui a présenté ses condoléances à ses proches.
Sa carrière au cinéma fut aussi prolifique que celle de chanteur et celle sur les planches. Son rôle dans «One Man», tourné en anglais, lui vaut notamment le Canadian Film Award du meilleur acteur de soutien. Il tient également le rôle-titre de la série télévisée «Duplessis», en 1978.
«J’ai été obligé d’insister pour que Jean Lapointe joue un rôle dans “Deux femmes en or”. Il était nerveux, mais aussi titillé. Adieu cher acteur, cher ami. Cher Jean Lapointe, salut ! Personne n’ose dire, évidemment, que ton premier rôle au cinéma, ça aura été “Deux femmes en or”. On préfère mentionner “Duplessis”, ça fait plus chic», témoigne le réalisateur Claude Fournier sur Twitter.
La politique
En parallèle de sa carrière artistique, M. Lapointe a été sénateur de 2001 à 2010. Pendant cette période, il avait fait de la lutte contre les appareils de loterie vidéo dans les bars et les restaurants sa priorité.
Il se disait, à sa retraite, déçu de son passage en politique et n’ayant pas aimé ça. De nombreuses personnalités politiques ont cependant souligné sa contribution, vendredi.
En voici quelques-unes en rafale sur les réseaux sociaux :
«Le Québec perd un grand artiste avec plusieurs talents. D’abord un chanteur ; tous les Québécois connaissent “Chante-la ta chanson”. Un comique qui pouvait nous faire rire aux larmes. Et un comédien qui a interprété Duplessis ; une performance qui fait partie des grands moments de notre télé. Mes condoléances à la famille et aux proches. Au revoir, M. Lapointe.» — François Legault, premier ministre du Québec
«Nous perdons aujourd’hui un grand Québécois. Pour moi, Jean Lapointe fait partie des immortels de notre culture. Toutes mes pensées vont à sa famille et à ses proches. Bon repos à vous, M. Lapointe. Votre marque restera bien présente dans nos cœurs.» — Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et des Communications du Québec
«Mes pensées les plus sincères à la famille et aux proches de Jean Lapointe. Une vie marquée par le rire, des personnages inoubliables et une implication sociale remarquable. Le Québec perd un grand.» — Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec
«C’est un grand parmi les grands qui nous quitte. Jean Lapointe a marqué des générations par son art et son engagement. J’offre mes sincères condoléances à sa famille et ses proches.» — Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire
«Je tiens à offrir mes plus sincères condoléances à la famille et aux proches de Jean Lapointe qui nous a quittés. M. Lapointe a été un acteur marquant et un grand musicien. Ses mélodies ont marqué mon enfance et il aura marqué le Québec en entier. Merci pour tout.» — Paul St-Pierre-Plamondon, chef du Parti québécois
«Tout au long de sa vie, Jean Lapointe a été célébré pour ses contributions artistiques, sa philanthropie et son service. Il nous laisse un héritage remarquable. Mes pensées vont à sa famille, à ses amis et à ses admirateurs qui pleurent son décès.» — Justin Trudeau, premier ministre du Canada
«Comme artiste, comme sénateur et à travers son implication sociale, Jean Lapointe aura marqué le Québec et tout le Canada. Un homme d’exception que j’ai eu le privilège de côtoyer à Ottawa. Aujourd’hui, mes pensées se tournent vers ses proches.» — Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien
«Sous le choc et la secousse des souvenirs de ma jeunesse, j’apprends le décès du grand, touchant et beau Jean Lapointe. Je souhaite à ses proches, à sa famille et aux artistes qui l’ont côtoyé, une tristesse sereine et de beaux souvenirs aussi. Bon voyage à ses rires et ses larmes.» — Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois
«Quel grand artiste ce Jean Lapointe ! Oui, il était chanteur, musicien, humoriste, compositeur, etc. Mais il demeurera toujours l’exceptionnel comédien qui incarna dans toutes ses nuances Maurice Duplessis dans la série éponyme. D’ailleurs, la SRC devrait célébrer le 45e anniversaire en janvier de cette exceptionnelle série en la rediffusant. Nos sympathies aux proches et à la famille de monsieur Lapointe.» — Gérard Deltell, député du Parti conservateur du Canada
«Quelle tristesse d’apprendre aujourd’hui le départ d’un grand homme. Jean Lapointe, vous avez façonné une partie de notre histoire. Votre héritage et votre personne seront à jamais gravés dans nos mémoires. Merci pour tout. Bon repos. Mes condoléances à sa famille et ses amis.» — Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique