L’art de créer des saveurs de pommes à 20 ans
ÉDUCATION. La relève semble assurée au Verger Le Gros Pierre, à Compton. Nohémie Gilbert, fille des propriétaires de l’entreprise familiale, a réussi à créer une nouvelle espèce de pommes.
Son rêve a vu le jour dès ses 9 ans. Un long processus s’est alors mis en marche, et le résultat vient d’être rendu public lors de l’Expo-sciences régionale, qui se tenait à l’Université de Sherbrooke, le week-end dernier.
Nohémie forme un duo avec son amie Juliette Rolfe, de Cookshire-Eaton. Toutes deux étudient en sciences naturelles au Séminaire de Sherbrooke (collégial). Elles y ont peaufiné leur projet afin de partager leur passion à un plus vaste public. Leur sérieux a porté fruit, car elles figurent parmi les 13 lauréats sélectionnés pour participer à la finale provinciale, qui se déroulera à Montréal, du 19 au 21 avril. Le duo court la chance de se rendre à Ottawa pour atteindre l’Expo-sciences pancanadienne, qui aura lieu du 25 mai au 1er juin.
Nohémie a hybridé deux variétés de pommes (Honeycrisp et Summerhead) qu’elle adorait pour en créer une nouvelle à son goût. Le processus étant très lent, deux fruits rouges ont pris forme dix ans plus tard dans un arbre ayant poussé dans le verger familial.
Selon les deux futures scientifiques, le nouveau fruit était très croquant et peu juteux, mais offrait un arrière-goût très fruité. Sous une pelure très rouge, la chair de couleur crème contenait une petite dose d’acidité.
« C’est de bon augure pour une commercialisation, mais ça va prendre un autre dix ans avant de planter suffisamment d’arbres et récolter assez de pommes pour en vendre », espèrent-elles.
Un lent processus et la récolte de seulement deux pommes n’ébranlent guère l’optimisme de Nohémie et de Juliette. « Croquer dans nos propres pommes fut une belle expérience, surtout qu’on ne peut contrôler la nature ni la génétique. Notre travail aurait pu ne rien donner », ajoutent-elles avec enthousiasme.
Devant leur kiosque aménagé au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke, Juliette et Nohémie vulgarisaient un travail particulièrement méconnu du grand public. En écoutant leurs explications livrées avec passion, les visiteurs croqueront leurs prochaines pommes de façon différente. Ils se rappelleront que le processus de création est beaucoup plus long que le simple mûrissement de ce populaire fruit dans un arbre.
UNE PASSION POUR LA GÉNÉTIQUE
Les deux partenaires adorent ce fruit, mais elles se passionnent aussi pour la génétique ainsi que sur la création d’espèces et de saveurs de pommes. Elles parlent d’arbre généalogique d’une pomme comme si c’était celui de leurs ancêtres. La transmission des yeux bleus d’une génération à l’autre est comparée aux couleurs et saveurs de pommes, d’une espèce à l’autre. Fécondation, croissance, hybridation et génome figurent maintenant dans leur vocabulaire.
« Un de nos rêves consiste à créer une variété de pommes distribuées dans les épiceries, mais qui sont aussi goûteuses et durables que celles achetées dans les vergers, témoignent-elles. On souhaite également encourager les consommateurs à sortir de leurs habitudes et à varier leurs achats. »
D’autres pommes de cette espèce créée en 2015 devraient être récoltées l’automne prochain. Signe que les deux étudiantes du collégial voient plus loin que le bout de leur nez, le processus d’une seconde nouvelle variété de pomme a été récemment enclenché.
Nohémie rêve déjà de vendre ses nouveaux produits à l’entreprise familiale et à d’autres vergers de la région. Elle songe d’ailleurs à entamer des études universitaires en santé, en biologie ou en entrepreneuriat. Pour sa part, Juliette vise un Bac-maîtrise en droit et sciences pour éventuellement défendre les droits des producteurs agricoles.