TVA mettra fin à ses bulletins du week-end à Québec avant la décision du CRTC
MONTRÉAL — Le Groupe TVA a décidé de mettre fin à ses bulletins régionaux de Québec avant d’obtenir l’autorisation du CRTC, a appris La Presse Canadienne. L’entreprise répond qu’elle n’a pas le choix en raison «des délais trop longs» de l’organisme qui réglemente la radiodiffusion au pays.
Le plus important diffuseur privé du Québec a annoncé, la semaine dernière, sa décision de cesser de diffuser des bulletins locaux de nouvelles dans la région de la Capitale-Nationale les week-ends à partir du 19 juin.
Groupe TVA a déposé une demande en ce sens, la veille de l’annonce, auprès du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), mais l’entreprise mettra ses plans à exécution avant d’obtenir une réponse.
Confronté aux délais administratifs «trop longs» du CRTC, Groupe TVA n’avait pas le choix «de prendre des décisions difficiles dès maintenant», répond la porte-parole de la maison-mère Québecor, Véronique Mercier. «Considérant la situation financière de l’entreprise et la concurrence féroce, attendre encore des mois, voire des années, n’était pas une option.»
Au CRTC, on n’a pas voulu commenter les démarches du Groupe TVA. «Le CRTC, étant un tribunal administratif quasi judiciaire, n’est pas en mesure de discuter les dossiers ouverts devant le conseil», répond sa porte-parole.
La chaîne TVA à Québec doit produire au moins deux bulletins de nouvelles locales à Québec, selon les conditions de sa licence.
Mettre fin à ces émissions sans obtenir le feu vert du CRTC n’est «pas idéal», mais ce n’est pas inhabituel dans le monde des communications, nuance le professeur de droit de l’Université de Montréal, Pierre Trudel.
«Si on voulait être « by the book », elle serait en infraction à partir du moment où elle ne diffuse plus les bulletins de nouvelles. Théoriquement, elle pourrait se faire taper sur les doigts par le CRTC.»
Dans sa requête, Groupe TVA estime qu’elle subit un traitement inéquitable par rapport à Radio-Canada, qui a obtenu des allègements aux conditions de sa licence pour sa station de Québec en juillet 2022. Le diffuseur public doit tout de même diffuser des bulletins de nouvelles tous les jours de la semaine.
«Afin d’assurer la pérennité de nos activités, nous demandons, à répétition au CRTC et depuis plusieurs années, des allègements réglementaires et financiers, dénonce Mme Mercier. Au lieu d’agir, le CRTC a décidé, l’été dernier,de renouveler nos conditions de licences pour deux ans sans aucun changement, alors que le diffuseur public s’est vu octroyer des allègements importants.»
L’allègement obtenu par Radio-Canada n’a toutefois pas fait long feu. En septembre dernier, la Gouverneure générale, qui agit à la recommandation du ministre fédéral de la Culture, Pablo Rodriguez, a rejeté la demande de renouvellement et a renvoyé l’affaire au CRTC pour qu’elle soit réexaminée.
La Gouverneure générale avait reçu 16 demandes d’annulations de la part de divers intervenants, notamment l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM) et l’ADISQ qui s’inquiétaient de l’effet de la décision sur la diffusion de la production culturelle locale.
Le CRTC a une nouvelle présidente depuis janvier en la personne de Vicky Eatrides. M. Trudel juge que l’approche du CRTC était contradictoire sous la gouverne de son prédécesseur.
«Le CRTC a été tellement incompétent qu’il s’enfarge dans les fils d’araignée qu’il a lui-même causés. D’un côté, il déréglemente Radio-Canada. Il ne faut pas s’étonner que les autres comme TVA veuillent aussi être déréglementés.»
Le professeur donne également raison au Groupe TVA qui déplore la lenteur du processus réglementaire. «Ça pourrait être en voie d’être résolu parce qu’il y a une nouvelle présidente, mais le CRTC a un sérieux problème d’efficacité. Ça prend beaucoup de temps pour arriver à une décision.»
L’arrêt des bulletins locaux du Groupe TVA à Québec fait partie d’une série de décisions pour faire face à la baisse des revenus des médias de Québec, dans un contexte difficile pour l’industrie.
Québecor a annoncé à la mi-février la suppression de 240 emplois, dont 140 au Groupe TVA. En mai, le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, n’a pas exclu que la société soit contrainte de faire de nouvelles compressions, lors d’une entrevue à l’antenne de Radio-Canada. En janvier, le «Journal de Montréal» et le «Journal de Québec» ont cessé l’impression de leurs éditions dominicales.
À plusieurs occasions, M. Péladeau a souligné que les médias sociaux, comme Facebook ou TikTok, et les sites de diffusion vidéo en continu, comme Netflix ou YouTube, livraient une concurrence aux médias traditionnels sans être réglementés.